"Un oeil extérieur ne fait jamais de mal !" [Ft. Hayden.]

Dans la vie, nous faisons parfois des rencontres qui nous marquent à tout jamais. Des gens qu’on ne peut oublier. Qu’on déteste ou qu’on admire. Qu’on envie ou qu’on prend en pitié. Des gens qui font, involontairement bien sûr, toujours partie de nous.

Hayden Merar était de ces gens-là.

L’homme était un éthologue talentueux, auquel Kiara avait fait appel pour la première fois pour le débourrage de Grace of an Angel. Elle avait tout aimé de son travail : Sa façon de faire, son savoir, sa méthode, sa façon de l’appliquer, il était unique en son genre, et elle le considérait comme un horseman comme on en fait plus que quelques uns.

Il se trouve d’ailleurs que l’an passé ils s’étaient revus. Ils étaient restés en contact, devenant par la même occasion de très bons amis, et Kiara lui avait fait la présentation de Noble Lightning, histoire d’avoir son avis sur l’étalon. Hayden avait émis un retour plutôt positif, accompagné d’encouragements non feints. Et aujourd’hui, Kiara l’avait recontacté, après son arrivée à l’académie, pour avoir son avis.

Nomade n’était pas un cheval au hasard. Sourd de naissance, Kiara improvisait chaque jour avec lui. Elle souhaitait cependant l’avis de l’éthologue, quant à sa naissance. Alors, elle lui avait envoyé un message, et l’attendait à présent devant son écurie, tenant le gris en longe, tandis qu’il était occupé à brouter.

Ponctuel comme toujours, Kiara vit Hayden arriver à 10H pétante. Il était encore loin alors Nomade ne l’avait pas repéré. Elle lui grattouilla donc gentiment l’épaule, et il releva la tête, soufflant légèrement en apercevant l’homme à son tour.

« Bonjour Hayden. Tu as fait bon voyage ? Pas trop fatigué j’espère ? » Elle lui demanda, en le saluant. Elle espérait juste ne pas mouvementer son arrivée qui pouvait être déjà suffisamment difficile comme ça.

Kiara avait hoché la tête quand l’éthologue lui avait proposé de lui présenter Nomade.

« Je suis tombée dessus l’autre jour, alors que je passais près du refuge. Il venait d’ouvrir, et si tu as pu y passer, tu as peut être remarqué qu’il n’est encore, par chance, pas rempli. » Elle avait froncé les sourcils. Sa rencontre avec Nomade ne lui avait pas plu, simplement parce que le pauvre étalon était en pleine crise de panique à l’époque. Elle prit une petite inspiration pour se donner du courage, et caressa tendrement l’encolure du gris : « Je passais près du refuge, donc, et j’ai entendu un cheval hennir près des stabulations. Clairement, je n’avais jamais entendu autant de panique dans un cri. Il était tellement perdu … Tellement effrayé… » Elle serra la mâchoire, détestant voir ses chevaux dans un tel état. Nomade comptait à présent autant à ses yeux que Quinn ou Grace, hors de question qu’elle le laisse être malheureux. « Je lui ai fais un massage pour le détendre. Et ça avait plutôt bien fonctionné. Ensuite il a rencontré Emprise, tu sais comme elle est … » Elle sourit, fièrement. « La compagnie des autres chevaux l’aide à aller mieux. Chaque jour il s’améliore. Il ne nous fait peut être pas entièrement confiance, mais avec le temps il s’ouvre à nous. Il est fascinant. » Distrait, l’étalon huma l’air, ne se doutant absolument pas de ce qui pouvait bien se dire à son sujet. « Je crois qu’il aime travailler. En tout cas, il adore sauter. » Elle ria doucement, et effleura l’encolure du gris, sous ses crins. « Je trouve qu’on s’en sort pas trop mal. Mais comme je préfère avoir ton avis… C’est clairement la première fois que je travaille avec un cheval sourd. » Et pourtant, elle en avait vu des choses dans sa vie ! Mais elle aimait les défis. Alors pourquoi pas ?

Kiara avait arqué un sourcil amusé quand Hayden lui avait dit qu’il avait pris en charge deux juments du refuge. Eh bien, en voilà un qui n’allait pas s’ennuyer !

« Merci pour tout ce que tu fais pour eux Hayden. Je suis certaine que tu vas faire un travail colossal. Une fois de plus ! »

En parallèle, elle avait présenté Nomade, de manière aussi complète qu’elle le pouvait. Elle hochait la tête au fur et à mesure. Elle s’était plus ou moins douté que son gris allait sûrement avoir développé ses quatre autres sens. C’est après tout la même chose pour les humains, pour les chiens, pas étonnant que ça le soit pour les chevaux aussi ! Elle avait souris cependant, en entendant que peut être Nomade entendait-il en réalité quelques vibrations, ou quelques fréquences. « Maintenant que tu le dis, l’autre jour il a réagit aux applaudissements dans la carrière ! » Elle n’avait pas pensé à ça, mais les deux semblaient s’accorder plutôt logiquement finalement.

L’éthologue lui expliqua ensuite que Nomade prendrait sûrement l’habitude de la toucher pour la situer. Elle hocha la tête. Oui, cela viendrait sûrement, chaque chose en son temps. Elle avait cependant froncé les sourcils, un peu inquiète quand aux gestes qui devraient être les mêmes à pied, en longe, et en selle. Cela leur prendrait du temps, mais ils n’en manquaient heureusement pas.

« Bien entendu ! » Elle répondit quand il lui demanda s’il pouvait voir l’étalon en liberté. Elle détacha d’ailleurs la longe de Nomade dès qu’ils furent de nouveau à sécurité entre les barrières en bois de son domaine, mais elle mena tout de même Hayden jusqu’à un paddock libre. Elle ouvrit la barrière, et fit signe à Nomade d’y entrer, avant de la refermer derrière lui, son étalon la regardant, l’air de ne pas comprendre.

Kiara regarda donc Hayden suivre Nomade à l’intérieur du paddock. Comme à son habitude elle écouta sa consigne, et il faut le  dire, elle fut un peu déroutée au début. Clairement, si quelqu’un passait dans les parages, ils allaient trouver la directrice très … intéressante ! Elle n’avait plus qu’à retourner au Texas après cette séance si ils continuaient ainsi !

Elle était cependant déterminée à aider son étalon. Alors elle commença par un claquement de langue. Classique, et qui serait très certainement inutile.

Elle tapa ensuite légèrement sur la barrière, comme un bruit de tambour en bruit de fond.

Elle frappa dans ses mains. D’abord trois fois lentement. Clap. Clap. Clap. Puis trois fois rapidement : Clap-Clap-Clap !

Elle siffla, comme elle aurait fait pour appeler ses autres chevaux, et elle sourit à cette pensée. Emprise adorait entendre ce bruit, ça lui faisait toujours très plaisir à voir.

Elle continua cependant, pour essayer de donner un maximum d’opportunités à Hayden de capter quelque chose.

Elle tapa des mains sur ses cuisses.

Claqua des doigts, plusieurs fois de suite.

Elle envisagea même de produire un bruit de corbeau avant de se dire que non, tout ça, c’était déjà pas mal ! Faut pas pousser non plus !


« Ca donne quoi de ton côté ? »

Très clairement, la directrice ne se serait jamais prêtée au jeu si ça avait été quelqu’un d’autre que Hayden qui le lui aurait demandé. Elle avait donc fait tous ces différents bruits dans le but d’attirer une réaction (quelle qu’elle soit) de son étalon. De là où elle était, elle ne pouvait cependant pas très bien distinguer ses mouvements, alors elle dû attendre que Hayden lui fasse son compte rendu. Il finit d’ailleurs par lui faire signe que c’était bon, il avait ce qu’il voulait. Ben c’est pas trop tôt !

« Fais attention Hayden, ça pourrait se retourner contre toi… » Elle le menaça faussement, un sourire en coin sur les lèvres. Jamais elle ne trouverait personne de plus qualifié que lui pour reprendre le poste d’éthologue si un jour il venait à les quitter, il était donc hors de question de se débarrasser de lui, évidemment !

Quand il se rapprocha d’elle, Kiara sourit en voyant Nomade être très intéressé par la carotte. Elle avait pu découvrir, avec le temps, que la gourmandise était un de ses quelques petits défauts. Elle trouvait ça adorable en fait. Elle écouta cependant avec attention les paroles de Hayden. Alors comme ça les frappements captent son attention. Elle hocha la tête. Ce n’était pas bien surprenant vu ce qui s’était passé l’autre jour dans la carrière.

« Le débourrer de cette manière n’est pas un problème. » Elle dit, caressant les naseaux de Nomade, qui s’était rapprochés d’eux. « Nous avons commencé un peu le travail sur la fuite des points de pression. Le stick to me aussi. Mais je n’ai pas encore tenté de le faire tourner. En parallèle nous avons bossé en travail monté, et il réagit très bien aux mains et aux jambes ce qui est, en soi, une très bonne chose je pense. » Elle caressa le front du gris, avant d’ajouter : « On va s’amuser lui et moi. Comme d’hab’ ! »

La Texane avait hoché la tête : « Nous avons déjà fait des balades en liberté dans le domaine, pour lui montrer les différentes installations, l’habituer à toutes les choses « risquées » à ses yeux, et qu’il sache qu’il n’a pas à craindre de se faire attaquer par un tracteur par exemple. De manière générale, ça se passe plutôt bien, à partir du moment où on s’arrête pour regarder l’objet de ses craintes en long moment, qu’il le voit arriver, et que du coup il s’habitue dès qu’il l’a aperçu au loin. » Pas comme l’autre jour, où il s’était cabré dans le rond de longe parce qu’il n’avait pas pu se préparer …

« Lorsque ma famille était venue nous rendre visite nous avions fait une balade avec tous mes chevaux, et j’avais pris Nomade, derrière. » Elle avait tenté de se souvenir au mieux du déroulement de la balade, caressant distraitement le museau du gris. « Il avait plutôt bien géré le truc. Comme si le fait que les autres ne s’inquiètent pas lui avait indiqué qu’il n’y avait rien à craindre. » Il avait même réussi à faire une balade sur la plage ! « Nous y étions allés très progressivement, pour qu’il ait le temps de tout observer à sa guise, et il avait fini par plutôt apprécier le moment si tu veux mon avis. Nous avions même fait la course au bord de l’eau, et il avait adoré plongé ses pieds dedans, c’est un grand gamin au fond … » Elle fit la moue, un peu désolée pour lui. Désolée de son handicap, qui aurait peut être pu être évité avec une reproduction mieux gérée ? Comme le souci des double merle chez les chiens … « Mais pour ce qui est du travail en liberté, on peut tenter ! Tu t’y colles ? » Elle lui avait proposé, lui demandant ainsi s’il voulait s’amuser un peu plus.