- Aujourd'hui mon petit Walker on va faire un peu de cross.
Pieds à terre, je masse lentement le front du poney, le sentant déjà tendu et nerveux à l'idée d'être à l'extérieur.
- Je sais, je sais mon loulou, tu n'aimes pas le dehors, ça te fait peur, mais faut que tu te dérides un peu. Penses-tu que tu arriveras à pécho une belle petite pouliche si tu as peur de tout ?
Le bai souffle, il a le regard inquiet. Je ne sais pas trop quoi faire pour le rassurer, je le caresse, le câline et finalement je me dis que peut être que si je me montrais sûr de moi à l'abord des obstacles, à chaque fois qu'il aurait un mouvement de recul, un mouvement de peur ou de panique, il se sentira en sécurité. Je dois lui montrer que je suis là et que je peux le sauver si un tigre l'attaquait. Oui, c'est incongrue mais une feuille qui bouge, un papillon qui vole, le vent qui souffle... tout peut ressembler à un félin sur le point de bondir et dévorer mon petit Dream Walker,... en tout cas selon son point de vue.
- Bien, on va y aller mon grand.
Il rechigne un peu, tente de me garder prêt de lui comme s'il pensait que dans mes bras ils étaient en sécurité. Je finis par réussir à me détacher de lui, mettre le pied à l'étrier et lu grimper sur le dos. Il commence déjà à remuer nerveusement. Je l'arrête et prend le temps pour le rassurer à l'aide de caresses et de paroles douces.
- Heyyy... je suis là Walker... je suis toujours là... promis je ne te laisserais pas te faire bouffer par une agressive, affamée, vilaine feuille. Fais-moi confiance, d'accord?
Je me lance sur la détente. Le but est de fixé son attention sur moi, sur toutes mes demandes, de ne pas lui laisser le temps d'avoir peur de quoi que se soit. C'est pour ça que dès que je le lance au pas, je joue avec mes doigts, pressent mes jambes contre ses flancs, instinctivement il prend un pas tonique et se met en place. Tout de suite, je l'arrête. Je caresse son épaule et le sent se tendre en voyant je-ne-sais-quoi qui le semble l'inquiéter. Je claque la langue, lui demande de nouveau un départ au pas. Il s’exécute. Dès l'instant où je le sens se dissiper je change de direction, je demande des transitions à l'arrêt et au pas pour commencer, le but étant qu'il ne déconcentre pas. C'est au moment où je lui demande de trotter qu'il se dissipe et ce qui semble l'avoir inquiéter plus tôt, l'effraie soudainement. Il part au grand galop, les oreilles remuant dans tous les sens, la tête se balançant d'un côté et de l'autre, comme si un énorme animal était à sa poursuite. J'ai oublié que le régime alimentaire de l'herbe c'est les gentils poneys.
- Hoooolllllllaaaaaa...Walker... hoooohoooo... doucement mon gars... du calme!
Doucement, le poney bai ralentit, se calme, s'apaise grâce à ma voix et ensuite à mes caresses.
- Je te l'ai promis, non ? Je ne vais laisser personne te manger, fais moi confiance, tu es en sécurité ici.
Je lui tapote l'épaule, le laisse souffler avant de lui redemander un départ au trot en bonne et due forme. Plus calme, moins nerveux, toutefois toujours sur l'oeil, Walker s'exécute. Je le tiens toujours en mouvement, entre les transitions, les changements de main, les cercles, puis les petits travaux d'allongements... Finalement, la détente se termine sans autre accrochage, il reste cependant très nerveux.
- Bien bébé, maintenant on va travailler, sur les contre-bas, contre-haut et peut être les trous si on a le temps.
Je lui caresse lentement l'encolure. Il souffle, toujours en train de regarder partout à la recherche de ce qui pourrait lui sauter à la gorge, cependant je pense réussir à l'apaiser.
Je le redémarre doucement, d'abord par un pas énergique pour qu'il rencontre le contre-haut. Je n'ai encore jamais fait de cross avec lui, je veux d'abord l'habituer doucement aux trois obstacles que je vais lui présenter. Je l'amène en haut de l'obstacle l'arrête et le laisse observer, analyser et comprendre, sans pour autant le laisser se faire effrayer par un fantôme. Il faut pas croire ce petit peureux, Dream Walker est très intelligent et assimile vite les choses. Une fois que je le sens prêt, un mélange entre de la concentration et de la curiosité envers l'obstacle. Je sais déjà qu'il va sentir mal à l'aise, il va être nerveux et tendu. Il n'aime pas les nouvelles choses, les habitudes qui changent et tout ce qui sort de sa norme. Alors je le pousse au pas à passer l'obstacle. Il s'arrête au bord du contre-haut, je lui donne un petit coup de talon et il s'élance. Il saute comme s'il sautait un obstacle normale et se réceptionne bizarrement. Automatiquement, je descend et nerveusement j'inspecte ses jambes, ses tendons, à la recherche d'une potentielle douleur, parce que j'ai vraiment eu l'impression qu'il est retomber pieds joints comme un gamin qui saute dans une flaque, sauf que ce n'est pas un gamin et qu'il aurait pu se blesser... Je souffle... Il
aurait pu mais tout semble bon. Je soupire et viens lui caresser l'encolure.
- Bon j'espère que tu as compris que ce n'est pas comme ça que ça marche.
Je remonte sur son dos et décide que lui faire grimper le contre-haut est une meilleure idée...
Je l'éloigne de l'obstacle, le met sur un grand cercle et prend un trot tonique, impulsif et rythmé. Je le met sur l'axe de l'obstacle. Ses oreilles se dressent, il ne connait pas, il ne sait pas trop comment réagir. Deux petits coups de talons suffisent à le reconcentrer et à lui assurer qu'il peut le faire. Il peut y arriver! Et oui! Il y arrive comme un chef. C'est un peu brouillon, il saut sans trop savoir comment se réceptionner, mais une fois que ses antérieurs se posent sur le sol en haut, les postérieurs suivent. Je le félicite en le caressant et en lui disant.
- Bien joué, petit monstre. Tu vois, c'est pas si dur. Maintenant, il faut faire là même chose mais sur un contrebas.
Je le remet sur un trot tonique mais pas pour autant rapide, il lui faut une impulsion, il ne faut que je le laisse prendre peur. A l'approche de l'obstacle, je le sens ralentir mais le remet à la vitesse que je lui demande et quand on est au bord je lui redonne un coup de talon pour qu'il n'hésite pas. Et il n'hésite pas. Un peu moins brouillon que la première tentative, la réception est bien mieux et je ne m'inquiète pas pour lui. Une fois en bas, je le félicite joyeusement.
- Mais oui, c'est très bien mon grand garçon.
Je le fais marcher tranquillement, le laissant souffler. Dans quelques minutes, nous aborderons le dernier obstacle que je dois lui présenter : le trou ou la fosse, je sais pas trop comment on qualifie cette obstacle. C'est deux barres de bois qui délimite un trou. J'en ai choisit un pas très large, pas plus large qu'un oxer et je sais que Dream Walker saute très bien au dessus des oxers alors pourquoi n'arriverait-il pas à passer ce trou ?
Je lui présente d'abord l'obstacle. Je le laisse regarder, observer, analyser et comprendre. Je pense que c'est important pour qu'il puisse dédramatiser et qu'il puisse comprendre qu'aucun monstre ne se trouve dans le trou et qu'il ne surgira pas pour lui attraper les pattes et l'emmener dans son repère de monstre. Je le fais marcher autour, je le garde en mouvement, ça l'empêche d'imaginer des choses et de s'effrayer. Je sais qu'il a vraiment peur, pas comme ses deux parents qui jouent plus de la comédie qu'autre chose et je sais qu'il a besoin que je sois sur de moi pour que lui ai confiance en nous, en notre couple.
Une fois qu'il a bien reprit son souffle, je le remet sur un grand cercle, lui fait prendre le trot, puis le galop et l'emmène tout droit sur l'obstacle. C'est bien partit, il est dans l'impulsion, il est dans le mouvement et il est dans l'axe. Tout est réunit pour que ça aille. Je le sens bien ce saut...sauf que j'ai oublié un truc ... : le monstre invisible du trou qui surgit d'un coup devant le nez de Dream Walker. Celui-ci pile (bien entendu sans raison apparente) et moi je finis sur son encolure, m'accrochant aussi fort que possible à celle-ci car je sais que ce n'est pas finit. Bingo. Le petit bai se cabre, pivote sur ses postérieurs pour faire demi-tour et détale à toute vitesse. Je tiens... pas très longtemps finalement, car tout ça se passe très très vite... tellement vite que je ne sais pas à quel moment j'ai lâché prise et quand est-ce que j'ai finit au sol, observant bêtement mon petit étalon partir totalement paniqué. Il me faut une petite minute pour reprendre mes esprits et me relevé en trombe car je vois clairement que le poney ne se retourne pas. J'hurle alors pour attirer son attention.
- WALKEEER!
Il tourne légèrement la tête, remarque que je ne suis plus sur son dos, ralentit un tout petit peu pour faire tourner et revenir vers moi pleine balle en mode "
Ohlalala, papa! Ca fait trop peur!". Il se rapproche dangereusement de moi sans ralentir, quand je remarque , encore un peu sonné, que je risque ma vie à ne rien faire alors que le bai arrive paniqué vers moi, je finis par lever les mains en criant un "
OWWW!" qui le fait s'arrêter... cependant pas assez vite car sa tête vient heurter de plein fouet mon thorax. Je tombe à la renverse, le souffle coupé par le choc, la douleur me prend vivement et me donnant l'impression que tout mon intérieur subit des travaux... Je tousse violemment, me tenant le ventre et me tordant en deux. Je grogne, je remue et je sens le petit nez du jeune cheval me renifler. Je passe quelques minutes couché sur le sol, tentant tant bien que mal de reprendre souffle. Je sens que Walker n'est pas serein, il me tourne autour, regarde tout autour de nous mais ne semble pas vouloir me laisser là, surtout dans cet état. Je sens plusieurs fois son museau me pousser, comme s'il voulait me dire "
Aller Papa, relève-toi!"... mais j'ai besoin d'encore quelques instants pour pouvoir me redresser en position assise. Le petit bai vient instinctivement coller sa tête contre mon torse. Je caresse lentement sa joue et lui dis difficilement.
- Ça va, ça va bébé.
J'essaie aussi de me le persuader. Finalement, après encore quelques minutes, je me relève. Le poney reste encore collé à moi.
- Je sais..je sais.. tu es désolé. Ça va, crois moi.
Je continue à lui caresser les joues distraitement, tentant de me remettre de mes émotions. Je ne peux pas finir sur cette défaite, sur cet échec... il faut que je passe ses obstacles coûte que coûte. Je marche douloureusement vers le trou en tenant les rênes du poney, lui montre du doigt et lui dis, un peu agacé à cause de la douleur.
- Regardes, pas de monstres, pas de lion, pas de feuille, pas d'insecte! Juste un trou, de la terre, deux barres de bois. Alors tu peux le faire et rien ne va t'arrêter!
Je me hisse très lentement en selle. Le remet sur un grand cercle, où je le met au galop. Un galop qui ne laisseras pas place à un doute. Je le lance sur l'axe de la fosse et dès que je le sens se tendre, je lui assène deux coups de talons, il doit le faire! Il peut pas me refaire le coup du diablotin qui sort de sa boite et qui est effrayant, car il n'y en a pas! Dès que je sens un ses muscles se contracter différemment, je lui redonne un coup de talon. Il doit être concentré! Je douille déjà assez comme ça, je n'ai pas besoin d'une autre chute!
Finalement, il vole au-dessus de l'obstacle et aucun monstre n'en ai sortit, aucun tigre ne lui
a bouffé les pattes, rien! A la réception de l'obstacle je souffle, soulagé de ne pas avoir subit une autre crise de peur, je le ralentis et le félicite chaudement, en tout cas aussi chaudement que je le peux alors que la douleur me lance.
- T'es pas mouru, l'âne ! T'es pas mouru!
Je ne peux pas le travailler plus et je pense que ça a déjà été riche en émotion pour lui, et pour moi. Je souffle et prend le chemin de l'élevage en me disant que demain je sentirais tous mes muscles me tirer, des contractures mêlées à des courbatures, je pense qu'une bonne douche, un doliprane et déléguer mon bar pour se soir sont de très très bonnes idées.